Analyse critique des recommandations FakeMed de la SPILF pour le Lyme

Le 13 mai 2019, la SPILF publiait ce qu’elle considère comme des “recommandations” pour la maladie de Lyme en France. Sans grande surprise, ce texte n’a pour but que de défendre des dogmes et les intérêts d’un groupuscule d’infectiologues aux abois. Les préoccupations des auteurs sont bien éloignées de la démarche scientifique, et de la santé des malades.

Pas de prophylaxie pour les femmes enceintes contaminéesCe texte présente en filigrane les tiques et élude par-là même les autres vecteurs et autres modes de contamination avérés. Tout un chapitre, certes intéressant, est dédié à la taxonomie des tiques et aux mesures pour s’en protéger, mais strictement rien n’a été écrit pour les autres modes de contamination et ce chapitre n’apporte pas de valeur ajoutée à un texte qui se veut mettre en avant des lignes directrices à suivre pour les docteurs. Il aurait notamment été souhaitable de produire des recommandations pour les médecins qui prennent en charge les femmes enceintes contaminées. Quand, en p.2, il est précisé qu’il n’existe aucune situation justifiant une antibioprophylaxie post-piqûre de tiques en France, le cas de la femme enceinte en est pourtant une.

 

La transmission in utero non reconnueLa contamination materno-fœtale est documentée scientifiquement, et elle est fréquente. Les fausses couches sont courantes chez les femmes enceintes contaminées. Dans son livre How Can I Get Better? An Action Plan for Treating Resistant Lyme & Chronic Disease, le Dr Richard Horowitz explique p.89 que : « Borrelia burgdorferi peut se transmettre par le placenta au fœtus, ainsi que les co-infections telles que Borrelia Miyamotoi, Babesia, Bartonella. » et p.90-93 que « Les fœtus issus de fausses-couches et de mère positive à la Borrelia, sont positifs par PCR […] Le traitement par antibiothérapie lors de la grossesse permet d’éviter les fausses couches […] Les bébés naissent parfois malgré tout avec un test positif par PCR« . Pour illustrer, nous avons plusieurs témoignages de mères contaminées qui ont fait une ou plusieurs fausses couches avant que donner naissance à un enfant à la santé très précaire.

 

Des données épidémiologiques falsifiéesEn termes de données épidémiologiques, le document présente des chiffres trompeurs et affirme p.6 qu’on ne peut se prononcer sur une tendance à la hausse des cas de Lyme en France (One cannot confirm or deny an upward trend in France). L’incidence de la borréliose de Lyme serait stable entre 2009 et 2017. Malgré une légère baisse en 2017, le bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) de l’agence Santé Publique France, en date du mardi 19 juin 2018, indique pourtant avoir dénombré 84 nouveaux cas pour 100 000 habitants, contre 55 en 2009. Ces chiffres de SPF sont malgré tout à prendre avec la plus grande précaution car ils ne comptabilisent que les cas déclarés de maladie de Lyme, et uniquement dont l’origine est la piqûre de tique. Ne sont donc pas pris en compte les autres modes de contamination, les faux diagnostics différentiels (certaines fibromyalgies, polyarthrites rhumatoïdes, des scléroses en plaques, ou des scléroses latérales amyotrophiques, etc…) ainsi que les cas non déclarés d’apparition tardive des symptômes du Lyme.

 

La babésiose serait quasi inexistenteAutre chiffre complètement invraisemblable (peut-être s’agit-il d’une erreur ?), celui de l’incidence de la babésiose qui représenterait moins de 5 cas par an à l’échelle nationale. Au sein de notre association, les patients partagent régulièrement avec nous leurs résultats d’analyses. Connaissant des dizaines de malades avec un résultat d’analyse positif à babésia, nous ne comprenons pas pourquoi tous ces chiffres de la SPILF sont faux…Notez que dans ce même document, on lit en p.2, que moins de 5 cas de babésiose ont été dépistés (babésiose < 5 cas/an), et en p.7 on dénombre 15 cas de babésiose en France (Approximately 15 cases caused by Babesia divergens have been reported in France), de quoi semer d’autant plus le doute sur cette publication rédigée dans la précipitation.

 

Un déni des manifestations cardiaques et ophtalmiquesLes auteurs estiment plus loin que “les manifestations cardiaques et ophtalmologiques sont exceptionnelles”. Là encore, ces affirmations sont complètement fausses [1], [2]. Ces complications font d’ailleurs partie des symptômes liés au stade tardif du Lyme, et de nombreux patients se plaignent de ces problèmes après avoir contracté la maladie. Il ne s’agit pas de cas isolés, nous sommes loins des cas de figures “exceptionnels”.

 

Des chiffres faux du réseau Sentinelles repris par la SPILFLe texte tente de nous convaincre p.6 que les données du réseau Sentinelles seraient fiables, en nous expliquant que les médecins généralistes font partie de ce réseau et qu’ils déclarent tous les ans les cas de borréliose diagnostiqués (Family physicians officially report the Lyme borreliosis cases that they diagnose. The same family physicians are part of this network every year and the network thus generates reliable data for trends). Faux diagnostics différentiels, médecins méconnaissant la maladie, usage de FakeTests comme le test ELISA, prise en compte uniquement des piqûres de tiques, voire uniquement des cas d’érythème migrant…Dans les faits, beaucoup de malades passent sous les radars et ne figurent pas dans ces statistiques.

 

Focalisation sur les tiques et déni des autres modes de contaminationLa prise en compte uniquement des tiques comme mode de transmission de la maladie est incompréhensible et mène à des extrapolations erronées. Ce serait comme si des épidémiologistes étudiaient la transmission du VIH en ne s’intéressant qu’aux toxicomanes. Ainsi, p.6, il est précisé qu’on n’a jamais vu de cas de maladie de Lyme car on ne trouve pas de tiques Ixodes dans ces régions du globe, les DOM-TOM (Lyme borreliosis has never been reported in French overseas territories as the Ixodes vectors do not thrive in these climatic conditions). En réalité, on dénombre des cas de maladie de Lyme dans ces régions (ex. Île de la Réunion, même s’il y en a moins. Ce sont des personnes qui ont parfois été contaminées ailleurs dans le monde (Amérique du Nord, métropole, etc…) et qui sont revenues sur l’île, ou bien qui ont contracté la maladie par un des autres modes de contamination.

 

Le FakeTest ELISA est maintenuConcernant le Lyme au stade chronique, les leçons n’ont pas été tirées, et force est de constater que les publications scientifiques ne sont toujours pas prises en compte par la SPILF. Ainsi, on lit p.9 que le diagnostic de la neuroborréliose de poserait à l’aide d’une sérologie en deux temps (Lyme neuroborreliosis […] the diagnosis is based on two-tier serology). De même, à la même page, il est précisé que les sérologies seraient toujours positives au stade tardif disséminé (Serological test and antibody index are always positive in patients with late Lyme neuroborreliosis). Enfin, p.11, on y apprend que la sérologie serait excellente au stade tardif disséminé (For late stages, serology has excellent negative predictive value). Ce type de FakeNews a de quoi faire bondir n’importe quelle personne ayant lu un tant soit peu la littérature scientifique sur le sujet, tout comme les médecins qui soignent les malades de Lyme et qui constatent tout le contraire au quotidien. Clairement, et cela a été démontré, ces tests ne sont pas fiables pour deux raisons. La borréliose est une maladie qui entraîne à long terme une immunosuppression, ce qui est vérifié par une chute des lymphocytes CD57. Les sérologies communément prescrites, que sont les tests ELISA et Western Blot s’appuient sur une réponse immunitaire fiable, or ce n’est pas le cas chez le patient immunodéprimé dont l’organisme n’est plus en mesure de créer des anticorps au stade avancé de la maladie. De même, les sérologies ciblent certaines souches de bactéries, or, les sérologies couramment prescrites sont restreintes dans le nombre de souches recherchées, alors qu’un nombre important de souches pathogènes existent mais passent sous le radar des sérologies.

 

Le problème de la non-fiabilité des sérologies est un scandale dénoncé à maintes reprises, mais qui n’a toujours pas été résolu à ce jour, et les hôpitaux continuent de prescrire ces faux tests qui excluent d’emblée le diagnostic de borréliose, orientant ainsi les malades vers de faux diagnostics différentiels, une véritable impasse thérapeutique. Il est pourtant de notoriété que ces tests ne sont pas fiables, et d’ailleurs les médecins de ville spécialistes de la maladie de Lyme préfèrent combiner différents tests plus fiables afin d’avoir une idée plus précise pour établir un diagnostic (ex. le Western Blot Biosynex, l’Elispot Borrélia, la PCR sur sang des capillaires, ou l’examen microscopique sur sang des capillaires).

 

En France, en 2014, le Haut Conseil de la Santé Publique a reconnu la non fiabilité du test ELISA. Il existe aussi une méta-analyse sur le sujet, intitulée « Commercial test kits for detection of Lyme borreliosis: a meta-analysis of test accuracy« , menée par les chercheurs Michael Cook et Basant Puri, de l’Imperial College London, et parue en Novembre 2016 qui, après avoir passé en revue l’ensemble de la littérature scientifique, en a conclu que les sérologies ne sont pas fiables pour la maladie de Lyme : « The sensitivity of an individual test was as low as 7.4%. The mean sensitivity of all test kits with all samples was 59.5%, and ranged from 30.6% to 86.2%« . En sciences, la méta-analyse est l’étude apportant le niveau de preuve le plus élevé. Mettre en avant ces sérologies dans des recommandations officielles relève des FakeMed. C’est aussi se mettre en porte-à-faux avec la méthode scientifique, et enfin c’est contribuer à poser un grand nombre de faux diagnostics menant à une impasse thérapeutique.

 

Les tests non fiables sont maintenus pour écarter d’emblée le Lyme au stade chroniqueLes sérologies sont en réalité le test diagnostic parfait pour rejeter le diagnostic du Lyme et pour poser un faux diagnostic différentiel. Et c’est clairement expliqué p.12, figure 5: Si la sérologie du Lyme est négative, alors le diagnostic de l’arthrite de Lyme est écarté (Blood serology for Lyme disease negative → Lyme arthritis diagnosis ruled out). Et les faux diagnostics différentiels ne manquent pas: Fibromyalgie, syndrome de fatigue chronique, polyarthrite rhumatoïde, sclérose en plaques, syndrome d’épuisement professionnel, dépression, sclérose latérale amyotrophique, syndrome de stress post-traumatique, etc…De quoi s’assurer que le malade revienne régulièrement à l’hôpital pour le suivi, et consomme des médicaments souvent chers comme les anti-TNF-α. Mais pour le patient c’est le début d’une descente aux enfers et d’une errance thérapeutique de service en service.

 

Vraisemblablement, la SPILF ne s’est pas concertée avec les maladesLa ponction lombaire, technique couramment utilisée dans le dépistage de la neuroborréliose en milieu hospitalier, et préconisée p.9, est un acte invasif, douloureux, aux effets secondaires qui s’inscrivent dans la durée. Elle est nullement justifiée. Les témoignages des patients déjà bien affaiblis à qui on fait une ponction lombaire n’ont visiblement pas influencé les auteurs de ces recommandations, alors que le Pr Tattevin affirmait devant le Sénat en avril, que la SPILF aurait travaillé en concertation avec des patients pour les rédiger. Qui peut croire un chose pareille ?

 

Non reconnaissance des troubles neuro-cognitifs associésLes approximations et contre-vérités continuent p.10 où on découvre que la neuroborréliose serait rarement associée à des troubles cognitifs et à la démence (Lyme neuroborreliosis is a very rare cause of cognitive disorders and dementia). Pourtant, dans les faits, les malades de Lyme, qui ont des analyses positives à la borrélia, et qui ont les symptômes associés, souffrent pour la plupart de troubles cognitifs (troubles de la concentration et de la mémoire). Les troubles cognitifs chez les malades de Lyme sont d’ailleurs une des causes majeures de perte d’emploi ou de déclassement. Autre fait troublant, le Pr Alan MacDonald a, pendant des années effectué des examens post-mortem de cerveaux de malades d’Alzheimer dans lesquels il a, dans la grande majorité, retrouvé des borrélias. Enfin, il existe d’authentiques malades de Lyme, auparavant diagnostiqués schizophrènes ou psychotiques qui, après plusieurs semaines d’antibiothérapie, sont en rémission de la prétendue maladie mentale.

 

L’étude pseudo-scientifique d’Éric Caumes citée par la SPILFPour couronner le tout, l’étude pseudo-scientifique publiée par l’équipe du Pr Caumes de la Pitié-Salpêtrière, l’année dernière, a été reprise p.13, étude dont les méthodes ont été soigneusement choisies pour arriver à la conclusion recherchée, selon laquelle 90% des personnes se présentant en service d’infectiologie pour une maladie de Lyme auraient en réalité autre chose (A recent French cohort study reported that 10% of patients consulting for a suspicion of Lyme borreliosis presented with bone and joint pain related to arthritis or scoliosis). Cette étude totalement farfelue et pseudo-scientifique, indigne du service d’infectiologie d’un grand hôpital, a été démontée point par point à trois reprises: [1], [2], [3]. Il est choquant que la SPILF reprenne cette étude FakeMed sans s’être rendue compte de la supercherie.

Un discours FakeMed assumé par la SPILFNous avons donc un document produit dans la précipitation, incomplet, bien loin de la démarche scientifique, et dont un bon nombre d’informations sont erronées. Ce document n’a pas été rédigé dans une optique de réduction de la pandémie, ni de guérison des patients. Les faux tests sont toujours préconisés pour le diagnostic de la maladie, et comme nous l’avons vu, une sérologie négative écarte arbitrairement le diagnostic. Et quand bien même un malade de Lyme serait diagnostiqué comme tel, s’il est au stade tarif disséminé, rien n’est précisé pour le traitement, laissant la part belle aux faux diagnostics différentiels et aux traitements inadaptés, voire dangereux. La forme chronique de la maladie, pourtant scientifiquement documentée [1], [2], [3], [4], [5], n’a pas été mentionnée. Les découvertes par les chercheurs américains des universités de Baltimore et de New Haven, en termes de traitements n’ont pas été prises en compte [1], [2], [3], [4], [5]. Les malades sont une fois de plus livrés à eux-mêmes, face à des sociétés savantes aux discours FakeMed assumés, et qui nient en bloc la vérité scientifique.