Comment tuer dans l’œuf un nouveau traitement contre le Lyme

L’association Le Droit de Guérir, attachée depuis le premier jour à l’accès des malades aux soins, a pris connaissance d’une initiative de la FFMVT pour le moins préoccupante, et exprime ses doutes quant aux motivations des responsables de cette fédération.

 

Récemment, l’association France Lyme recherchait des témoignages de malades de Lyme ayant suivi le protocole du disulfirame afin de se renseigner sur ce traitement novateur et en cours d’évaluation. Quelques patients ont participé et ont fait part de leur expérience avec le disulfirame en tant que traitement expérimental de la maladie de Lyme.

 

Gardons à l’esprit le côté expérimental de ce traitement qui est de temps en temps amélioré, corrigé, et modifié à travers les retours d’expérience des spécialistes américains. En quelques mois, la communauté en a appris beaucoup sur ce protocole qui est loin d’être une copie conforme du traitement contre l’addiction à l’alcool, auquel ce médicament était à l’origine destiné.

 

Les précautions à prendre, les risques liés à ce traitement, les doses, la période initiale de prise graduée, les prises de sang régulières, les interactions médicamenteuses avec le métronidazole, les compléments, à peu près tout ce qui a été découvert et partagé par les spécialistes américains du Lyme et du disulfirame a été répertorié et synthétisé sur le site www.disulfiram.net en Anglais et en Français, avec les liens vers les sources (interviews des scientifiques et docs Lyme américains, articles scientifiques, témoignages). Mais il faut faire l’effort de lire. Malheureusement, force est de constater que bien souvent, les précautions n’ont pas été prises par certains médecins, en France et ailleurs dans le monde. À notre grand regret, il n’est pas surprenant de déplorer un certain nombre de malades qui ont développé d’importants effets secondaires, dans ces conditions-là. Dans un tel contexte, doit-on mettre en cause un médicament éprouvé, qui est sur le marché depuis 70 ans ? Ou bien la manière dont il est prescrit ?

 

Fait troublant, des malades de Lyme ayant participé à l’enquête de la FFMVT, et ayant mal toléré le traitement, nous ont fait part que les motivations de cette fédération ne seraient pas exactement comme elles avaient été présentées. Dans son courrier du 22 novembre 2019, France Lyme demandait juste des témoignages pour la réunion du conseil scientifique : « En vue d’une réunion du conseil scientifique de la FFMVT prévue lundi soir prochain, nous récoltons des témoignages concernant des malades traités avec le Disulfirame ». Or, une fois le simple témoignage envoyé à l’association, le malade reçoit une demande d’autorisation pour que son témoignage figure dans une « étude » rédigée conjointement par les membres du conseil scientifique de la FFMVT. Il semblerait que la fédération ait décidé de mener sans plus attendre cette « étude », intitulée « Benefit/risk ratio for Disulfiram as a treatment for disseminated Lyme disease » après avoir été alertée par un malade des effets secondaires de ce traitement.  On attendrait d’une telle étude une présentation des bénéfices/risques liés au disulfirame, mais il semble que les auteurs sont résolus à démontrer la toxicité du disulfirame quand il est pris pour traiter la maladie de Lyme.

 

Ces quelques témoignages conforteraient donc nos inquiétudes. Déjà en août, dans sa newsletter, le Pr Trautmann faisait peu de cas du disulfirame, faisant fi de tout ce qui a été découvert sur cette molécule, son action anti-borrélia, et en le réduisant à un vulgaire anti-inflammatoire: « En revanche, le disulfiram, qui est un anti-inflammatoire plus limité (il inhibe la molécule NF-kB) semble avoir des effets bénéfiques chez certains patients. Cet effet bénéfique du disulfiram dans la maladie de Lyme a été récemment rapporté. Malheureusement son auteur a totalement ignoré son effet central anti-NF-kB et anti-inflammatoire ». Dans leur consultation, face aux patients qui les interrogent, les responsables de la FFMVT ne portent guère d’intérêt à cette molécule pourtant prometteuse, et préfèrent s’arc-bouter à de vieilles recettes qui ne marchent pas.

 

Les personnes qui ont témoigné sur leur prise de disulfirame ont vraisemblablement eu des doses élevées, sans prise initiale progressive s’étalant sur de nombreuses semaines, car la communauté ne connaît les précautions à prendre que depuis récemment. Il y aurait donc fort à parier que la majorité des personnes interrogées ont été confrontées à d’importants effets secondaires qui surviennent rapidement ; quant aux bénéfices, pour la plupart des cas, il est trop tôt pour le dire car c’est un traitement au long cours, et l’amélioration des symptômes n’apparaît pas tout de suite. Les conclusions d’une telle « étude » à charge, menée sur un petit échantillon d’une vingtaine de personnes (non représentatif), sont donc faciles à imaginer et sont de nature à détourner de manière malhonnête les malades d’un traitement prometteur qui mérite qu’on s’y intéresse avec rigueur, sans parti pris. Qui a donc eu cette brillante idée au sein de la FFMVT ? Des personnes au sein de la FFMVT auraient-elles un intérêt particulier à agir de la sorte ? Quel crédit accorder à une telle « étude » au vu de la pertinence des données d’entrée ? Est-ce un avant-goût du sérieux promis par l’Agence Nationale des Maladies Vectorielles à Tiques ? Ce type d’étude aux méthodes biaisées n’est pas sans rappeler l’étude du New England Journal of Medicine, souvent citée par les détracteurs, et menée dans le but de démontrer l’inefficacité des antibiothérapies au long cours. La communauté Lyme est souvent épinglée pour s’appuyer sur des études à faible niveau de preuves, n’est-il pas temps de faire preuve de rigueur scientifique ? Pourquoi ne pas solliciter les docs Lyme français et mener plutôt une véritable étude sur le disulfirame, avec une cohorte de malades, en suivant le protocole des spécialistes américains à la lettre ? (pas forcément randomisée et en double aveugle contre placebo, si manque de moyens, ou bien s’appuyer sur l’équipe de Stanford). A-t-on peur du résultat ?

 

Il est trop tôt pour tirer des conclusions hâtives, que ce soit dans un sens ou dans l’autre. De l’autre côté de l’Atlantique aussi, les malades s’inquiètent concernant un protocole de tests mené par un détracteur à l’Université de Columbia, le Pr Brian Fallon, qui recrute des patients pour tester le disulfirame comme traitement contre des symptômes persistants suite à une antibiothérapie. Dosage du disulfirame dans ce protocole : 500mg par jour. Autant dire que la conclusion est connue à l’avance. Les malades de Lyme qui sont au courant de cette supercherie sont furieux: La moitié de la cohorte va développer une neuropathie sévère (celle ayant reçu les 500mg), et l’autre moitié ne va observer aucune amélioration (celle ayant reçu le placebo). Cette cabale contre le disulfirame doit cesser. La méthode scientifique doit prévaloir. L’intérêt des malades doit être remise au centre des préoccupations de la communauté médicale. Les docs Lyme doivent être alertés sur les risques associés au disulfirame et comment les éviter. La communauté médicale ne doit pas exclure d’emblée ce médicament pour d’obscures raisons.

Une fois de plus, la FFMVT se retrouve en zone grise. Un peu du côté des malades, mais aussi et surtout du côté des autorités sanitaires. Ses responsables veulent bâcler une « étude » avec quelques témoignages de personnes gravement malades car certaines ont été victimes de surdoses, puis en conclure que ce médicament est toxique, et qu’il ne faut pas le prendre. Quelle démarche malhonnête ! La FFMVT n’a pas fini de semer le doute auprès des patients, et de leur faire perdre du temps. Il est pourtant urgent d’alerter les médecins sur le protocole du disulfirame afin que les précautions soient prises, sans pour autant priver les malades de ce traitement, et sans parti pris.