Maladie de Lyme – Recommandations de bonne pratique, le Conseil d’Etat a suivi l’avis de son rapporteur

Chers signataires de la pétition « Sauvez les malades de Lyme »,

En juin 2018, grâce à votre mobilisation, nous avions pu saisir le conseil d’état pour tenter d’invalider les recommandations de la Haute Autorité de Santé. Ces recommandations avaient été présentées à la presse quelques jours auparavant.

Après de longs mois d’attentes, nous avons enfin eu la décision finale de cette action.

C’est avec une certaine amertume que je vous informe aujourd’hui que le Conseil d’Etat a rejeté notre recours en suivant les conclusions de son rapporteur public.

Sur la procédure d’élaboration des recommandations

Pour rejeter notre recours, le Conseil d’Etat a tout d’abord très minutieusement examiné, comme nos avocats l’invitaient, la question de l’existence de conflits d’intérêts entre les membres du groupe de travail et les laboratoires commercialisant des anticorps monoclonaux ou travaillant à la mise au point de vaccins.

Le Conseil d’Etat a écarté notre argumentation sur ce point, considérant d’une part que les recommandations de la HAS n’envisageaient pas la question de la vaccination, mais exclusivement celle des traitements disponibles au moment de son élaboration. Ce qui, selon le Conseil d’Etat, exclut tout risque de conflits d’intérêts pour les membres ayant participé de près ou de loin à l’élaboration d’un projet de vaccin.

Plus précisément, et pour ces raisons, le Conseil d’Etat a écarté la possibilité d’un conflit d’intérêts s’agissant du Professeur Jaulhac, nonobstant ses liens avérés avec les laboratoires bioMérieux.

D’autre part, le Conseil d’Etat a également refusé de regarder les fonctions exercées par le professeur Rabaud en qualité de Président du Conseil National Professionnel de la Fédération Française d’Infectiologie et de Trésorier de la Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française (SPILF) comme révélant l’existence d’un conflit d’intérêts.

Le Conseil d’Etat a ensuite estimé que, compte tenu des controverses relatives à la maladie de Lyme, la composition du groupe de travail ne révélait pas un déséquilibre dans l’expression des différents points de vue.

Sur le contenu des recommandations

Sans prendre précisément position sur l’existence d’une forme chronique de la maladie de Lyme, le Conseil d’Etat a considéré que l’usage, par les recommandations, du terme de « symptomatologie » ou de « syndrome » persistant(e) polymorphe après une possible piqûre de tique (SPPT) était conforme aux connaissances scientifiques existant au jour de l’élaboration de ces recommandations.

Dit autrement, s’il n’exclut pas la possibilité d’une forme chronique de la maladie en dehors de toute piqûre de tique. Il estime que les recommandations n’étaient pas tenues d’envisager cette forme de la maladie, faute de consensus scientifique : sans surprise, le Conseil d’Etat refuse, ce faisant, de prendre parti sur une question scientifique qui ne relève pas de ses compétences et laisse aux experts la responsabilité des choix opérés, et celle de compléter ultérieurement, le cas échéant, ces recommandations en fonction de l’avancée des découvertes scientifiques.

De la même façon, le Conseil d’Etat refuse de se prononcer sur l’existence d’une transmission materno-fœtale, en jugeant que la recommandation, qui ne prend pas partie sur cette question, ne l’exclut pas précisément.

conseil d'état maladie de lyme

Sur ce point, il est regrettable que le Conseil d’Etat n’ait pas retenu que la recommandation, qui se bornait à n’envisager que le seul lien entre la maladie et une morsure de tique, privait de soins les malades qui ne seraient pas susceptibles d’établir un tel lien.

Le Conseil d’Etat a ensuite approuvé l’exclusion des traitements par antibiothérapie de longue durée, et la mise en œuvre de centres spécialisés hospitaliers régionaux, lesquels seront seuls autorisés, dans le cadre de protocoles de recherche, à mettre en œuvre des traitements qui s’écarteraient de l’antibiothérapie de 28 jours préconisée par les recommandations.

Le Conseil d’Etat a également considéré que ces recommandations ne méconnaissaient pas la liberté de prescription des médecins, dès lors qu’elles synthétisaient l’état des données acquises de la science à la date de leur élaboration ce qui, selon le Conseil d’Etat, permet aux médecins de définir des traitements en corrélation avec ces données, et que si les patients doivent consentir à leur traitement, ils ne bénéficient d’aucun droit à choisir ce traitement.

Enfin, le Conseil d’Etat a refusé de censurer les recommandations en ce qu’elles préconisent, en première intention, le recours aux tests de type « Elisa » : il a en effet considéré que les recommandations avaient adopté une approche prudente, en préconisant tout d’abord d’établir un diagnostic sur un examen clinique avant de recourir à une sérologie sanguine, et que cette sérologie devait être réalisée à l’aide des « derniers tests les plus performants ».

Sur la valeur juridique des recommandations

Le Conseil d’Etat a rappelé le rôle et la valeur juridique des recommandations de la HAS, fixés par les jurisprudences concordantes du Conseil d’Etat et de la Cour de cassation : celles-ci ont « pour objet de guider les professionnels de santé dans la définition et la mise en œuvre des stratégies de soins à visée préventive, diagnostique ou thérapeutique les plus appropriées, sur la base des connaissances médicales avérées à la date de leur édiction ».

Les recommandations de la HAS sont habituellement classées en trois catégories :

  • Catégorie A, correspondant à une « preuve scientifique établie », fondée sur des études de fort niveau de preuve (niveau de preuve 1) ;
  • Catégorie B, correspondant à une « présomption scientifique », fondée sur une présomption scientifique fournie par des études de niveau intermédiaire de preuve (niveau de preuve 2) ;
  • Catégorie C, correspondant à un « faible niveau de preuve », fondée sur des études de moindre niveau de preuve, comme des études cas-témoins (niveau de preuve 3).

En l’espèce, le Conseil d’Etat a souligné que les recommandations relatives à la Borréliose de Lyme ne faisaient pas l’objet d’une gradation mais procédaient d’un « accord d’experts », c’est-à-dire qu’en l’absence d’études, les recommandations sont fondées sur un accord entre experts du groupe de travail, après consultation du groupe de lecture.

Il convient de rappeler, d’une part, que les recommandations de bonnes pratiques sont opposables aux professionnels de santé dans la mesure où elles ont pour objet de « guider les professionnels de santé dans la définition et la mise en œuvre des stratégies de soins » (article R. 161-72 du code de la sécurité sociale).

D’autre part, d’un point de vue légal et déontologique, les professionnels de santé ont l’obligation de délivrer des soins appropriés et conformes aux « règles de l’art » (article L. 1110-5 du code de la santé publique).

Les recommandations font partie des données acquises de la science. Par conséquent, les médecins sont tenus d’intégrer le respect des recommandations dans leur pratique professionnelle.

Il est vrai que l’article R. 4127-8 du code de la santé publique garantit au médecin une liberté thérapeutique : « dans les limites fixées par la loi, le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu’il estime les plus appropriées en la circonstance ».

Et il peut arriver que les recommandations ne correspondent pas à la situation d’un patient donné. Dans ce cas, le professionnel peut décider de s’exonérer de l’application des recommandations, mais il doit alors pouvoir justifier sa décision de ne pas les suivre et d’avoir apporté au patient des soins conformes aux données acquises de la science qui viendraient d’autres sources que les recommandations de la HAS (par exemple, des recommandations de sociétés savantes, de l’Afssaps…).

Les publications des sociétés savantes peuvent ainsi être également considérées comme des données acquises de la science, à condition de présenter certaines garanties de fiabilité quant à leur auteur et leurs moyens de diffusion, et de ne pas être contredites par des publications d’une fiabilité équivalente, comme l’a récemment rappelé la Cour d’appel de Versailles dans un arrêt rendu le 26 janvier 2017 (n° 14/09204).

Pour autant, une condamnation en cas de non-respect des recommandations reste possible si le professionnel de santé n’est pas en mesure de justifier les motifs de son abstention et a fortiori s’il ne les connaissait pas, même si l’absence de gradation de ces recommandations pourrait permettre d’engager un débat devant les juridictions disciplinaires, le cas échéant.

 

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Au regard des conclusions du rapporteur public que nos avocats nous ont adressées au lendemain de l’audience, cette décision est malheureusement sans surprise.

L’énergie que nous avons déployée dans la défense des intérêts des malades n’a malheureusement pas rencontrée le succès que nous attendions.

Sachez que nous avons tout donné jusqu’à la dernière minute, une note en délibéré avait été produite quelques jours avant la décision finale. Elle n’aura pas permis d’inverser le cours des choses.

Avec des Centres de Référence et de Compétence majoritairement aux mains des détracteurs de l’existence d’une forme chronique de la maladie de Lyme et avec la politique qui a été instaurée à l’intérieur de ces structures publiques, les malades se retrouvent désinformés, abandonnés et souvent maltraités.

C’est pour moi un parcours de soin imposé et chaotique. Il m’est insupportable d’être confronté à tant de manque d’humanité et de sincérité. 

C’est pourquoi, j’invite chacun d’entre vous à vous rendre dans ces centres et à déposer systématiquement des plaintes ordinales contre les professionnels de santé qui agiraient en véritable « bourreau ».

Les parlementaires, les autorités sanitaires, notre Président de la République et son gouvernement ont été alertés à de nombreuses reprises. Personne ne peut dire aujourd’hui « je n’étais pas au courant ».

Dans l’association que je préside depuis 3 ans, je ne peux que constater l’augmentation du nombre de cas avec une véritable explosion chez les moins de 20 ans.

Je pense aujourd’hui que notre priorité n’est plus d’alerter mais d’apporter des solutions de plus en plus concrètes à ceux qui souffrent et qui sont les premières victimes de l’irresponsabilité de nos dirigeants.

Comme nous le faisons déjà depuis le début de la création du droit de guérir, nous allons poursuivre nos engagements de soutien et d’information envers la population.

Nous aimerions vous présenter des projets concrets dans les prochains mois et nous aurons besoin de vous pour être « En marche » vers « Le droit de guérir » pour tous.

Vous trouverez l’arrêté de la décision dans ce document.

Vous pouvez nous rejoindre en adhérant à notre association gratuitement.  Vous pouvez aussi faire un don pour nous soutenir.

Merci à tous !

Matthias Lacoste

Fondateur et Président

Association Le droit de guérir

*Article rédigé sur la base de la synthèse de notre avocat Maître Françoise Thouin-Palat.