Stratégie des détracteurs contre les malades de Lyme

Benoît Jaulhac, Directeur du CNR des Borrélias

Diviser pour mieux régner, ainsi pourrait-on résumer le cheval de bataille des détracteurs du Lyme en France et ailleurs dans le monde. Car derrière les détracteurs se cachent bien-sûr des personnes qui ont beaucoup à perdre quand le scandale de la maladie de Lyme va être révélé au grand jour, comme ce fut le cas pour d’autres scandales (sang contaminé, Mediator, amiante, etc.). Des infectiologues sur le devant de la scène pour protéger leurs intérêts, ceux de leurs confrères impliqués dans des conflits d’intérêts, et plus haut, des décideurs au sein du ministère de la santé, dans l’intérêt des firmes pharmaceutiques qui engrangent des sommes d’argent colossales grâce aux millions de malades chroniques dans le monde. Pour protéger ce trésor de guerre, une organisation discrète mais très active s’articule autour d’agences de relations publiques pour désinformer la population, diviser les malades, s’accaparer les médias, et corrompre les décideurs. La stratégie de relations publiques appliquée à l’industrie du tabac ou de de l’agrochimie est la même pour la santé, et ça marche. Peu de malades ont conscience de ce qui est présenté dans cet article, pourtant une organisation bien rodée tourne en tâche de fond. Ce n’est pas un hasard de voir l’année dernière, subitement, en septembre 2018, sur une petite semaine, une dizaine d’articles de presse incendiaires rédigés par des détracteurs pour désinformer la population et affirmer que 90% des malades n’ont par Lyme.

Éric Caumes, infectiologue et détracteur notoire

L’astroturfing qui a lieu sur les réseaux sociaux n’est pas un hasard non plus. Il y a toute une structure derrière. Le point positif est que dès lors que le public a conscience du pot-aux-roses, les détracteurs ont plus de mal à induire les gens en erreur.

La formule Duchin

La formule Duchin consiste à compartimenter les militants pour la reconnaissance et le traitement du Lyme chronique, afin de les mettre dans des cases, de les diviser et de semer le trouble au sein de la communauté de patients. Avoir conscience de cela permet de prendre de la hauteur et de ne pas entrer dans le jeu fratricide des divisions dont se délectent les détracteurs.

« La clé pour gagner n’importe quoi est susciter la confrontation ».
-Pamela Whitney, PDG de Whitney Corporate Relations

Les agences de relations publiques travaillent au service de l’industrie pharmaceutique, et par là même, collaborent étroitement avec ceux qui défendent les intérêts de l’industrie, au sein du ministère et dans les hôpitaux. Ces agences, à travers des réunions, mettent en place des scénarios et des stratégies pour protéger les intérêts de leurs clients, et faire échouer les actions menées par les opposants et le milieu associatif. Elles pilotent à distance des actions pour manipuler et diviser les opposants. C’est très bien expliqué dans un discours historique en 1991 de Ronald Duchin, vice-président de l’agence de relations publiques Mongoven, Biscoe et Duchin (devenue Stratfor par la suite). Il explique que fondamentalement, d’après les agences de relations publiques, les militants sont divisés en 4 grandes catégories:

    • Les réalistes
    • Les idéalistes
    • Les opportunistes
    • Les radicaux

Chaque association appartient donc à un de ces groupes, aux yeux des agences. Une fois que les associations sont étiquetées, les agences de relations publiques procèdent en 3 étapes pour nous diviser et étouffer la fronde.

La formule Duchin
La formule Duchin

Pour définir dans quelle case se trouve telle ou telle association de patients, il convient de décrire chacun de ces 4 profils:

1°) Les réalistes

Le groupe des réalistes est la pièce maîtresse des agences de relations publiques. Les réalistes ont en tête, ou se convainquent, qu’ils ne pourront jamais obtenir tout ce qu’ils veulent face à des mastodontes. Ils sont conditionnés et estiment que face à l’industrie et face au gouvernement, ils ne réussiront à obtenir que des avancées mineures. Ils pensent que pour obtenir un geste de la partie adverse, ils doivent faire des compromis. La résignation de ces militants est fondamentale pour casser la dynamique associative. Les agences de relations publiques mettent les bouchées doubles pour que le maximum de militants rejoignent les rangs des réalistes. Les réalistes ont pour caractéristiques de :

    • Ne pas rechercher de changement radical
    • Accepter les compromis
    • Chercher à travailler avec la partie adverse

Mots fréquemment utilisés par les réalistes: imparfait, partial, unité, partenariat, ponts, pourparlers, négociations

Les réalistes demandent de la prévention, des tests fiables, des traitements efficaces et un budget recherche. Ils estiment que les autorités de santé peuvent tout à fait répondre à leurs attentes, même si c’est au prix de compromis, et même si au final, ce qu’ils obtiennent est dérisoire, c’est selon eux, mieux que rien. Alors que les autres groupes de patients ciblent directement les autorités de santé et les détracteurs, les réalistes n’osent pas trop les déranger, de peur de faire échouer des années de pourparlers, pourtant infructueux. Les autorités de santé et l’industrie n’aiment pas être dérangées et n’apprécient pas du tout qu’on leur dise ce qu’elles doivent faire, c’est pour cela que les réalistes sont incités à rester entre eux en circuit fermé, ce qui les pousse à trouver eux-mêmes des solutions momentanées comme les traitements alternatifs, ou des médecins hors secteur hospitalier. Pendant ce temps-là, les détracteurs peuvent continuer leur sale boulot sans être dérangés. Renvoyer le problème sur le dos des patients fait partie de la stratégie des agences de relations publiques.

Les réalistes croient aux négociations avec les autorités de santé. Pourtant, quand le rapport entre deux parties est déséquilibré, il n’y a aucune négociation. Il y a juste un rapport de force. Les malades n’ont rien à offrir, les autorités de santé et les industriels n’ont rien à gagner à accepter de lâcher du leste, ils ont même beaucoup à perdre (dévoilement du scandale sanitaire et des conflits d’intérêts pour les détracteurs et les représentants des autorités sanitaires ; guérison des malades et érosion de la population de malades chroniques pour l’industrie du médicament et pour le secteur hospitalier). C’est la même situation quand un petit salarié payé le SMIC, qui n’apporte aucune valeur ajoutée à une entreprise, vient « négocier » une hausse de salaire à son patron, il ne négocie rien du tout. Sa hausse de salaire est au bon vouloir du patron. Si celui-ci n’a aucune empathie pour son salarié, et s’il veut maîtriser ses coûts, il ne l’augmentera pas. Dans le Lyme, les maigres miettes octroyées par les autorités de santé vont perçues comme une avancée, même si parfois elles représentent en réalité une régression, comme c’est le cas avec les recommandations de la HAS qui interdisent officiellement les traitements au long cours. Les réalistes enchaînent espoirs et désillusions, puis forment de nouveaux espoirs qui se soldent en désillusions.

Jérôme Salomon, Directeur Général de la Santé

Quand ils sont en perte de vitesse et fustigés par les malades au sein de leur propre camp, les réalistes sont parfois tentés de frapper du poing sur la table en empruntant des méthodes aux radicaux, comme porter plainte contre les détracteurs. Une ferveur qui retombe vite quand ils sont à nouveau séduits par l’idée de s’asseoir à la table des négociations stériles avec des détracteurs qui les snobent et contre qui ils ont porté plainte. Voici les propos régulièrement tenus par les réalistes:

    • Il faut qu’on soit unis
    • Il faut qu’on travaille avec la HAS et le ministère
    • Il faut faire appliquer les recommandations de la HAS
    • La maladie de Lyme est causée par piqûres de tiques
    • Il faut que les détracteurs des centres de référence aient un budget
    • On peut obtenir un financement pour la recherche grâce aux dons
    • Il nous faut un test plus fiable
    • Nous pouvons trouver un meilleur traitement
    • C’est pas grand chose, mais c’est déjà ça

Les agences de relations publiques affectionnent les réalistes car ils ne se battent pas pour obtenir des changements majeurs, ils ne dérangent pas, ils ne menacent aucun intérêt en jeu. Il sont facilement influençables. L’industrie et les autorités de santé veulent que les malades restent à leur place et leur fichent la paix pour qu’ils puissent continuer leurs exactions, désinformer leurs confrères et la population, maintenir les sérologies non fiables en place, prescrire des traitements inadaptés et inefficaces, nier l’existence du Lyme chronique en dépit des données scientifiques, nier la persistance de la bactérie, poser de faux diagnostics aux traitements lucratifs, et maintenir malades les patients qui viendront en consultation pendant des années. Si vous êtes réaliste, vous répondez exactement à ce que souhaitent les agences de relations publiques. C’est une stratégie vouée à l’échec pour les malades, elle ne mène à rien. En travaillant avec eux, les autorités de santé et les représentants de l’industrie amènent peu à peu les réalistes à revoir leurs objectifs à la baisse, puis les deux parties parviennent à un consensus qui ne résout en rien le problème initial, qui reste entier, ou qui s’aggrave. Cet accord est vécu malgré tout comme une victoire pour les réalistes. Êtes-vous réaliste ?

2°) Les idéalistes

Les idéalistes sont un cran au-dessus des réalistes. Ce sont des militants difficiles à gérer pour les représentants de l’industrie. Ils veulent obtenir le maximum et demandent les meilleures avancées pour les malades. Ils ont des valeurs fortes, ils se battent pour la justice et l’équité, ils demandent la justice sociale. Malheureusement, au sein des idéalistes, certains pensent qu’ils n’arriveront jamais à leurs fins et n’obtiendront jamais tout ce qu’ils réclament. Pour les agences de relations publiques, le but est donc de tirer partie de cette faiblesse et de convertir le maximum d’idéalistes en réalistes, en les faisant redescendre sur Terre. En faisant miroiter aux idéalistes d’hypothétiques avancées, en leur insinuant que ce serait une bonne idée de faire quelques compromis pour obtenir quelques miettes, certains militants idéalistes préféreront se battre moins, courber l’échine, et rejoindre les rangs des réalistes. Plus il y a de réalistes, et plus l’industrie et le gouvernement sont forts. En général, les idéalistes:

    • Ont du mal à prévoir la tournure des choses
    • Ont des valeurs fortes
    • Sont altruistes
    • Sont émotifs
    • Sont naïfs

Mots fréquemment utilisés par les idéalistes (comme pour les réalistes): imparfait, partial, unité, partenariat, ponts, pourparlers, négociations

Étant naïfs, et altruistes, aux valeurs fortes, ils estiment que les autorités de santé devraient financer le développement de tests fiables, de traitements efficaces, et de la recherche, d’abord parce que c’est dans l’intérêt du système de santé. Malheureusement, les idéalistes n’ont pas conscience de tous les enjeux: Le Lyme, comme les  autres maladies chroniques, rapporte énormément s’il n’est pas guéri. Cette maladie fait vivre des pans entiers du secteur hospitalier, et les médicaments pour soigner les symptômes pendant des années sont une rente inestimable pour l’industrie du médicament. Tout cela explique tous les efforts entrepris contre les malades pour étouffer ce scandale et pour que perdure le statu quo. L’industrie du médicament et les complices au ministère et dans les hôpitaux ont des intérêts aux antipodes de ceux des malades, et tant pis pour les finances de notre système de santé. Cette naïveté permet aux agences de relations publiques de les raisonner et de les inciter à devenir des réalistes, ce qui représente la partie la plus importante de cette stratégie pour vaincre les activistes. Voici quelques slogans exprimés par les idéalistes:

    • Les autorités de santé doivent nous proposer un test fiable
    • Le ministère doit mettre sur la table un budget recherche
    • Les infectiologues doivent nous soigner correctement

Les idéalistes font trop confiance en la partie adverse. Ainsi, ils réclament de l’argent pour la recherche, mais ne se soucient guère à qui ira cet argent. Résultat, un petit budget recherche est alloué aux centres de référence, argent qui tombe directement entre les mains des détracteurs. De la même manière, ils demandent un test plus fiable, ce que le ministère entend. Et qui s’occupe de réévaluer les tests ELISA ? Le CNR de Strasbourg. À partir du moment où les tests ne sont pas fiables, la maladie est rare. De même, les traitements actuels font très bien l’affaire, selon les autorités de santé. Les idéalistes se sont battus pendant 2 ans pour obtenir des centres de référence, croyant peut-être que ceux-ci seraient tenus pas des docs Lyme. C’était sans compter sur la ruse de la HAS, du DGS et des détracteurs de la SPILF qui ont placé leurs pions sous les huées des malades.

Pierre Tattevin, président de la SPILF, et Christian Michelet

Et que dire des recommandations de la HAS qui interdisent désormais aux docs Lyme de prescrire des antibiotiques à long terme ? Pourtant certains leaders du Lyme, dans un double jeu, font dangereusement miroiter aux malades et à leurs confrères qu’ils ne risquent rien avec des traitements au long cours. Les menaces des CPAM et des conseils de l’ordre ces derniers mois donnent un tout autre son de cloche et renvoient aux recommandations de la HAS. Ne pas croire trop naïvement aux bonnes intentions de la partie adverse. Elle ne proposera jamais rien contre ses intérêts.

Il y a quelques années, il y avait davantage d’idéalistes, mais certains se sont résignés et sont venus grossir les rangs des réalistes: Une tendance qu’il faut inverser. Ainsi, face au manque d’avancées, certains idéalistes se remettent en question et peuvent décider de revoir leurs objectifs à la baisse, lâcher du leste, histoire de débloquer la situation, même si au final, comme vu plus haut, devenir réaliste ne résout rien. Êtes-vous idéaliste ?

3°) Les opportunistes

Ce sont bien entendus les opportunistes que les agences de relations publiques préfèrent. Ils sont facilement manipulables, ils ne sont intéressés que par leur intérêt personnel, que ce soit pour de l’argent, pour le feu des projecteurs, pour un poste, pour côtoyer des personnes influentes. Les opportunistes n’ont aucun état d’âme à changer de camp s’il y trouvent leur compte. Il suffit aux représentants du gouvernement et de l’industrie d’offrir la visibilité médiatique aux opportunistes pour les manipuler à souhait. Les opportunistes:

    • Sont faciles à amadouer
    • Sont à l’affût d’opportunités pour leur propre intérêt
    • Ne sont pas prêts à se sacrifier pour défendre la cause des malades
    • Tirent profit du problème
    • N’ont pas de valeurs fortes à défendre

Les opportunistes, souvent appelés dans le langage courant “girouettes” ou “anguilles”, retournent souvent leur veste, et sont souvent mal vus au sein des malades, de par leur comportement. Certains sont là pour vendre quelque chose ; d’autre ne pensent qu’à engranger les dons. Ne voyant aucun mal à griller la priorité aux autres représentants d’associations, ou à discuter avec des détracteurs, ils cherchent avant tout à passer devant tout le monde pour picorer les miettes que leur donnent les représentants des autorités de santé et de l’industrie. Êtes-vous opportuniste ?

4°) Les radicaux

Les radicaux effraient le plus les représentants des autorités de santé et de l’industrie. Ils donnent beaucoup de fil à retordre aux agences de relations publiques car ils ne font pas de compromis, ils sont en opposition frontale face à l’industrie et au gouvernement responsables du problème. Ils se battent sur le terrain et exigent justice et réparation pour les préjudices causés aux malades. Les radicaux sont les vilains petits canards, ils sont la cible d’attaques en tout genre du camp adverse dans les médias ou sur le terrain judiciaire. Les détracteurs les accusent régulièrement de choses qu’ils n’ont pas faites, ou grossissent le trait. Ils sont aussi l’objet de coups bas d’autres groupes de militants qui n’acceptent pas qu’on leur fasse de l’ombre ou qui ne voient pas les choses de la même manière. Les radicaux manquent parfois d’organisation, d’expertise, et vivent sur un budget serré car ils n’ont aucune dotation de l’État, ni aucun don de fondations ou d’entreprises. Financièrement, ils ne comptent que sur eux-mêmes. En revanche, les autorités de santé et l’industrie dépensent des sommes importantes d’argent en relations publiques et en lobbying pour museler et décrédibiliser les radicaux au sein de l’opinion publique. Les radicaux:

    • S’opposent de manière frontale à l’industrie pharmaceutique
    • Se battent contre les autorités de santé
    • Ne font pas de compromis
    • Luttent pour résoudre le problème
    • Concentrent leurs efforts sur le combat judiciaire
    • Exigent la justice sociale pour tous les malades
    • Sont incorruptibles

Il n’est pas possible de réunir réalistes, idéalistes et radicaux ; leurs visions sont trop différentes, et les radicaux ne peuvent pas revoir leurs exigences à la baisse, ils savent ce qu’ils veulent. La seule solution est que certains rejoignent les radicaux pour grossir les rangs. Voici quelques déclarations souvent faites chez les radicaux:

    • Nous ne discutons pas avec les autorités de santé
    • Nous ne leur faisons pas confiance
    • Ils nous ont menti à de nombreuses reprises
    • Il faut porter plainte au pénal, nous réclamons justice

Mots fréquemment utilisés par les radicaux: mensonges, crime, criminels, fraude, justice, validité, prison, violations des droits, faux tests, prison, réparations

Action coup de poing devant l’Établissement Français du Sang (Avril 2019)

Les radicaux sont un caillou dans la chaussure des autorités de santé et de l’industrie. Ce sont eux qui organisent des manifestations marquantes, aux slogans qui ne font pas dans la dentelle. Ils organisent des actions coup de poing, ils interpellent nommément les détracteurs, les accusent et leur demandent des comptes. Ils perturbent les colloques des détracteurs, utilisent des fumigènes et des mégaphones.

Fumigène perturbant le repas des infectiologues (JNI 2018)

Ils portent le scandale devant la justice et exigent des peines maximales. Ce sont eux que les autorités de santé et l’industrie craignent le plus, et ce sont eux qui sont les mieux à même de faire éclater le scandale. Êtes-vous radical ?

Une stratégie en 3 étapes

Les agences de relations publiques mettent alors en place une stratégie en 3 étapes pour corrompre et tenir en respect les différents types d’activistes.

1°) Première chose, mettre à l’écart les radicaux, car de toutes façons, il n’y a rien à attendre d’eux. Ils ne font pas de compromis et ne font pas confiance aux autorités de santé et à l’industrie. Ils sont malins et savent très bien que les autorités de santé et l’industrie veulent les amadouer et les corrompre. C’est peine perdue.

2°) Ensuite, prendre du temps pour sensibiliser les idéalistes, mettre le paquet pour bien leur expliquer les choses, et les amener peu à peu à se ressaisir et à rejoindre les rangs des réalistes. Cette conversion prend des mois, ou des années, c’est le gros du travail. Les agences de relations publiques font en sorte de saper le moral des idéalistes afin qu’ils doutent d’obtenir un jour tout ce qu’ils ont en tête. Si de nombreux idéalistes deviennent réalistes, les détracteurs ont gagné, car les réalistes ont des objectifs bien moindres.

3°) Amener les réalistes à s’entendre avec les responsables des autorités de santé et de l’industrie, à discuter avec les détracteurs. Le but étant, grosso modo, d’amener les réalistes à souhaiter défendre un objectif que les autorités de santé et l’industrie soient prêtes à accepter, sans que fondamentalement ça ne change grand chose, et sans que ça ne touche à aucun intérêt en jeu. Souvent, ce petit jeu se concrétise par un partenariat. Les signataires des deux parties sont satisfaits mais le problème reste inchangé.

Stratégie de sape en 3 étapes

Si les agences de relations publiques réalisent ces 3 étapes avec succès, alors les idéalistes et les radicaux se retrouvent affaiblis ; les réalistes et les détracteurs signent un partenariat de leur côté et sont satisfaits. Au final, les malades de Lyme sont perdants et leur problème n’est pas résolu.

Cette technique a été éprouvée ces dernières décennies et fonctionne. Elle a été appliquée par l’industrie et les politiques dans de nombreux scandales environnementaux et sanitaires. Il y a beaucoup de similitudes entre les différents scandales.

Pressions exercées sur les associations

Dans différents domaines, des ONG ont été réduites à peau de chagrin grâce à ces techniques, il n’y a qu’à voir par exemple la menace que représentent les ONG liées à l’environnement: Elles ne font plus trembler grand monde. Grâce à la manipulation savamment orchestrée, et à la cupidité de certains, des associations un temps influentes ne sont désormais que l’ombre d’elles-mêmes. Certaines associations sont fondées avec une réelle envie de changer les choses, mais arrive le moment où le manque chronique d’argent pose un réel problème. Trouver des fonds devient le problème numéro un à résoudre, et finalement, l’objectif initial n’est plus un but à atteindre mais une contrainte. L’argent occupe la place centrale, et l’objectif initial passe au second plan. Les agences de relations publiques en ont bien conscience et tentent d’appâter les plus récalcitrants avec de l’argent frais. En France, on a ainsi proposé au printemps une somme importante d’argent versé tous les ans à notre association de malades de Lyme, classée parmi les radicaux, si elle acceptait de rentrer dans les rangs des réalistes, avec aussi à la clé, une participation aux discussions avec les représentants des autorités de santé et l’industrie. Une proposition qui, bien évidemment est restée lettre morte mais qui aurait très bien pu porter ses fruits pour les détracteurs, semant davantage le trouble au sein des malades.

La tentation de l’argent

Les associations qui reçoivent des fonds des autorités de santé ou de l’industrie ont trop peur de faire des remous et de voir perdre ces dotations l’année suivante, ou de perdre un agrément pour participer à des discussion (inutiles et stériles). Dès lors, il est compréhensible que ces associations entretiennent les problèmes et n’utilisent pas l’argent à bon escient. Dans le domaine de l’environnement, on comprend pourquoi, par exemple, des ONG comme Greenpeace fassent si peu d’actions terrain pour contrer les méfaits de l’agrochimie ou des OGM, malgré des millions de dotations annuelles. L’idée est de résoudre des problèmes mineurs qui n’empiètent pas sur les intérêts de l’industrie ou des politiques, puis présenter cela comme d’importantes avancées. Elles savent pertinemment que si les problèmes majeurs sont résolus, elles peuvent bien fermer boutique. Le même dilemme existe avec le Lyme.

La meilleure manière de véroler une communauté de patients est encore de monter une association de toutes pièces, avec la promesse fallacieuse de lutter pour obtenir une reconnaissance de la maladie, avec des tests fiables, un traitement et de l’argent pour la prévention et la recherche, tout en laissant traîner le dossier pendant des années, et en suscitant l’espoir d’hypothétiques avancées négociées avec les détracteurs, à condition de ne pas faire de remous.

Pour obtenir l’approbation du grand public, les détracteurs cherchent à nouer des partenariats avec des représentants d’associations. C’est par exemple le cas quand une agence du ministère demande à une association de réaliser une vidéo de prévention sur la maladie de Lyme en parlant des tiques et en expliquant comment retirer une tique. D’un point de vue relations publiques, c’est une victoire car vis à vis du grand public, le ministère est en phase avec les associations de patients. Pour les infectiologues et les autorités de santé, c’est tout bon car le message véhiculé dans ces vidéos est tronqué, réducteur, inexact, en phase aussi avec le discours officiel rassurant des autorités de santé sur la maladie.

Agnès Buzyn, Ministre de la Santé et le collège de la HAS

L’argent appelant l’argent, certaines associations se rendent compte que cet argent frais permet de faire vivre l’association, de réaliser des actions de plus grande envergure et de développer l’association qui accueille de nouveaux membres, il faut toujours plus d’argent. En contrepartie, les porte-paroles de ces associations participent à des émissions, des colloques ou écrivent des articles au discours maîtrisé, sans trop mettre en avant les demandes initiales des malades, et sans jamais aborder les sujets qui fâchent. Les agences de relations publiques savent que dès lors que les représentants d’associations collaborent avec des représentants des autorités de santé ou de l’industrie, ils sont moins enclins à porter plainte contre eux. De même, les détracteurs qui se retrouvent au contact des représentants associatifs obtiennent peu à peu des informations importantes qui fuitent, qui peuvent être utilisées contre ces associations et contre les malades en général, pour en savoir plus sur leurs activités, sur leurs leaders les plus virulents, et pour déjouer leurs actions. Des exemples de cadeaux empoisonnés de la part des autorités de santé ou de l’industrie sont: La collecte de dons pour une association, la mise en place d’une conférence en collaboration afin de désinformer avec l’accord des représentants associatifs, siéger au conseil d’administration de l’association, rédiger conjointement des recommandations, rédiger ensemble une brochure de sensibilisation aux piqûres de tiques. Tout cela permet de véroler la communauté de patients, de savoir qui fait quoi, d’obtenir des informations personnelles sur les acteurs les plus subversifs, sur leurs intentions, ce qu’ils ont fait, ce qu’ils ont en tête, et anticiper leurs actions pour les neutraliser et les faire échouer.

Pour éviter de s’aventurer sur ce terrain glissant, pas de secret : Garder en tête l’objectif premier, la raison d’être de notre association. Ne jamais faire de partenariat avec les autorités de santé ou l’industrie, c’est un piège, même si d’apparence on semble tirer notre épingle du jeu. Pour résumer, ne jamais leur faire confiance.

La meilleure manière de réussir est donc de ne pas s’obstiner dans des stratégies perdantes menées par les réalistes et les idéalistes. L’Histoire montre que ces stratégies ne marchent pas, que ce soit dans le dossier du Lyme ou ailleurs. Il est important de le montrer aux personnes qui souhaitent continuer sur cette voie. Il faut donc maintenir la barre haute, ne jamais s’hasarder à négocier quoi que ce soit avec les autorités de santé (il est possible toutefois d’informer des parlementaires, c’est même souhaitable), n’entretenir aucune relation avec les représentants d’associations opportunistes, et enfin mener à bien les plaintes pénales pour faire éclater la vérité et rendre justice pour les patients.

Une analyse basée sur les publications de Jerry Seidel, malade de Lyme  [1, 2, 3, 4, 5] et sur le best-seller « Les boues toxiques, c’est bon pour vous ».